Les albinos au Burundi sont, par crainte des rayons solaires, contraints de passer plus de 8 heures de la journée confinés. Au moment où les autres burundais travaillent toutes les 12 heures de la journée pour survivre, les albinos se font violence de travailler 4 heures sous l’air libre. Le gouvernement considère ces personnes comme vulnérables et handicapées mais son assistance tombe comme une goutte d’eau.
En ce mois de juin, début d’été, la température moyenne s’estime entre 27°C et 31°C pendant la journée, selon des données météorologiques de la plateforme française « Weatherspark », avec un ensoleillement d’environ 8 heures par jour. Les dermatologues conseillent qu’un albinos évite à 100% le contact avec les rayons solaires. Pendant cette période ou même les hyperpigmentées se sentent brûlés, la façon dont vivent les 1500 albinos (nombre estimatif de l’OPAB) dans ce pays ou même ceux qui n’ont aucun handicap vivent sous le seuil de la pauvreté suscite des attentions.
Le développement des albinos est en fait difficile. Pendant l’été, les albinos travaillent moins d’heures, signale Moïse Nkengurutse, représentant légal de l’Organisation des personnes albinos du Burundi (OPAB). Ils doivent se réveiller tôt pour enfin rentrer vers 9 heures, heure d’ensoleillement intense. Comme notre ennemi quotidien, le soleil handicape notre vie et notre développement, dit Nkengurutse Moïse, avec un air las. “En cette période d’été, c’est dégradant de voir une personne en âge de travailler qui ne peut pas faire pleinement son travail quotidien pour s’autodévelopper. Le temps de travail est réduit pour nous. Par exemple, les albinos agriculteurs ne peuvent pas travailler de la même manière que leurs voisins. De même, ils ne peuvent donc pas rejoindre les groupes de leurs voisins pour travailler en commun. Aucun albinos ne peut travailler sous un soleil d’après dix heures”, réaffirme le représentant légal de l’Organisation des personnes albinos du Burundi, dans une interview accordée à Elicomag.
Les albinos vivent une discrimination dans leurs communautés
Les albinos sont découragés et discriminés dans leur voisinage, selon M. Nkengurutse. En plus de ne pas tenir sous les rayons solaires pour assidûment faire un travail comme les autres, les albinos, affectés par le soleil estival, ont une apparence d’un vieux bien qu’ils soient encore jeunes. En conséquence, il leur est difficile de retrouver des conjoints. Ils vivent ce manque d’affection sociale et l’espoir d’un avenir meilleur comme d’autres.
Cependant, Marie Annette Nahumuremyi, étudiante en deuxième année de baccalauréat à l’Université des grands lacs (UGL) parle d’une auto-discrimination comme base de toutes les barrières. Elle dit qu’elle n’a pas de complexe qui lui conduirait à l’exclusion personnelle et que c’est grâce au fait qu’elle ne s’isole pas qu’elle soit arrivée où elle est aujourd’hui. “J’étudiais dans une école étant un seul albinos, et à l’aise, je collaborais avec les autres. Même actuellement à l’université, je suis la seule dans ma classe, mais je collabore avec les autres”, témoigne-t-elle. Beaucoup d’albinos se referment sur eux-mêmes, ce qui rend difficile leur progrès. Face aux personnes qui me discriminent, j’évite de leur donner une place dans ma vie et je continue librement, ajoute l’étudiante.
Du moins, Marie Annette Nahumuremyi voit que beaucoup d’albinos ont du mal à être fier de leur situation de handicap, sinon de leur vie. “Moi, j’ai eu la chance de naître dans une famille capable de me protéger contre les rayons solaires. Je n’ai pas de problème. Moi aussi, je me protège. Je sais que je suis différent des autres et je prends des initiatives personnelles pour me protéger”, fait-elle savoir à Elicomag avec une fierté lisible sur son visage.
Les albinos doivent éviter tout contact avec le soleil.
Parce que les albinos n’ont pas de mélanine dans leur peau, qui protège le corps des rayons du soleil, ils doivent éviter le soleil à 100%. Ce dernier a un effet négatif sur leur peau, souligne Dr Bélyse Kaneza, dermatologue à la clinique PAMUCS Burundi basée à Bujumbura. Sauf en cas de force majeure, l’albinos est tenu de rester à l’abri du soleil, insiste-t-elle.
Selon la dermatologue, il existe de nombreuses façons de se protéger contre le soleil pour les albinos. En cas de nécessité il (l’albinos) doit impérativement porter des vêtements qui couvrent tout le corps et qui ont des couleurs claires ( blanches, fluorescentes) et jamais la couleur noire, bonne attractrice des radiations solaires. Pour ceux qui ont des moyens, ajoute Kaneza, existe-t-il des vêtements « Anti rayons ultra-violet ». C’est très beau pour les albinos comme porter des chapeaux à larges bords et des lunettes de soleil noires (lunettes fumées).
Egalement, les albinos peuvent utiliser de la crème solaire. Et si cette dernière est introuvable, ils peuvent appliquer beaucoup de crème vaseline sur tout le corps, conclut la dermatologue qui conseille à tous les albinos de consulter un spécialiste de la dermatologie tous les six mois. Mieux vaut prévenir que guérir. Pourtant, pour des personnes albinos dont la peau serait déjà affectée par le soleil, Dr Kaneza indique qu’il existe des médicaments qui leur sont administrés ou des traitements spéciaux afin d’éviter que la situation se dégénère en cancer de la peau.
Les albinos bénéficient très peu d’appuis
Pourtant, très peu d’organisations prêtent une main forte à cette catégorie de vulnérables, selon l’OPAB. Néanmoins, M. Nkengurutse remercie quelques organisations comme la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH) et des ambassades dont l’ambassade de France au Burundi et celui de l’Allemagne qui ont aidé quelques albinos à avoir des lunettes solaires et de la crème d’hydratation corporel.
Au niveau du gouvernement, les albinos sont considérés comme des vulnérables parmi tant d’autres, indique Jean-Christophe Ndikumana, directeur du département de l’intégration sociale du ministère de la solidarité nationale, des affaires sociales, des droits de la personne humaine et du genre. Ce ministère, dit M. Ndikumana, appuie des organisations de personnes vulnérables et des fondations de personnes handicapées et, dans toutes ces deux catégories, les albinos y compris. Le ministère signale qu’il travaille avec Albinos sans frontières Burundi parmi les organisations des albinos au Burundi. Néanmoins, Ndikumana indique que l’identification et l’assistance de tous les albinos reste problématique car, il n’y a pas de recensement récent de ceux-ci.
Le directeur du département de l’intégration sociale encourage donc les albinos à se regrouper dans des associations afin qu’ils soient tous connus et ainsi bénéficier des appuis que le gouvernement dirige vers des personnes vulnérables et celles vivant avec un handicap. Il déplore en outre qu’il y ait toujours des albinos qui souffrent des maladies de la peau causées par les rayons solaires, et qui se font soigner plus tardivement, ayant déjà atteint le stade cancereux.
Signalons que la température moyenne du Burundi ne cesse d’augmenter, d’une année à l’autre et que des moyens de répondre aux urgences climatiques doivent être toujours disponibles. En 2019, la température maximale pendant l’été variait entre 25°C et 15.7°C (selon la troisième communication nationale sur les changements climatiques (TCNCC) sortie en) 2019 et elle est projetée entre 31°C et 19°C pour cette année 2023. Comment sera demain pour les albinos?
Eric Niyoyitungira, journaliste.